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à Versailles ce dimanche 12. de mars 1702.
Dans le temps que je me preparois à vous respondre sur vostre
lettre du 28. du mois passé, je reçois la triste nouvelle de la perte
que vous avés fait le lendemain de Madame de Harling
[1], dont je
suis tres sensiblement touchée, et quoyqu’en l’estat, où cette pauvre
dame estoit tombée par ses maladies, Dieu luy a fait grace de la
delivrer de ses douleurs, je l’ay pleuré de tout mon coeur et vostre
neveu en a fait autant et je vous prie de croire, que personne ne
partage plus vos peines et douleurs, que moy, qui me souviens
tousjours du soin qu’elleavoit eue de mon enfance et les peines et
veilles que je luy avois coutés et en conserve une veritable
reconnoissance. Ainsi sa perte me touche tres sensiblement. Je ne merite
point de remerciement d’aider à vostre neveu d’avoir un regiment,
puisque ce n’est que tenir ce que j’avois promis à madame de
Harling il y a long temps, et vostre neveu merite qu’on en ait soin;
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il est un tres bonnet garçon, qui se fait estimer et ne fait point de
honte à sa famille. J’espere qu’il fera son chemin et en tout ce
qui pourra dependre de moy, je tacherai de l’assister. Si j’avois
aussi bien gagné mon proces contre l’Electeur palatin à Rome
[2] que
je l’ay perdue, j’aurois pu faire mieux. Je suis bien aise d’avoir en
faisant vostre neveu colonel fait quelque chose, qui vous ait esté
agreable, car je conserve tousjours beaucaup d’estime pour vous et
vous assure, que je suis vostre bien bonne amie.